La promotion de la femme dans l'enseignement supérieur en France au XIXe siècle

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La première doctoresse française : Conversation avec Mme Madeleine Brès, docteur en médecine

Cet article intitulé: « La première doctoresse française: Conversation avec Mme Madeline Brès, docteur en médecine » est issu de la septième volume de La Chronique Médicale, revue médicale publiée bi-mensuellement à Paris. Cette édition a été publiée le 1er avril 1895.

En cet article, une portrait de Mme Madeline Brès dessinée en noir et blanc se trouve à la première page. Madeline Brès raconte à la journaliste son parcours pour devenir la première femme médecin française. Elle savait dès son plus jeune âge qu'elle souhaitait une carrière en médecine. Madeline a grandi très observatrice et curieuse du monde qui l'entoure, se sentant appelée à s'occuper de sa famille et de ses amis. Elle raconte au journaliste le moment exact où elle savait que cette carrière était pour elle; quand un ami de la famille lui a dit un jour, « Quelle infirmière tu ferais, mon enfant ! […] Quel dommage que tu ne puisses pas te faire médecin », cela lui a donné envie de devenir médecin. Quand elle avait 21 ans, elle est allée plaider sa cause auprès du doyen de la faculté de médecine de l'Université de Paris. Ils ont convenu qu'elle devait d'abord obtenir son diplôme de baccalauréat, alors elle serait autorisé à assister à l'école de médecine. Pendant son temps à l'école de médecine, elle a passé du temps à travailler dans un hôpital. Elle raconte son internat dans un hôpital pendant la guerre de 1870 et comment cette expérience a fait d'elle une meilleure médecin. Vivant à l'hôpital pendant la guerre, elle a failli être tuée par un projectile, donc par comparaison, le reste de sa carrière médicale semblait si simple. Madeline Brès tenait à cœur son identité féminine, alors qu'elle était médecin, elle  était d'abord une femme ; elle n’a pas eu à faire de compromis. En terminant ses études de la médecine et en devenant la première femme médecin française, elle a inspiré de nombreuses femmes après elle. Elle a montré aux femmes et aux filles qu'elles avaient une place dans l'enseignement supérieur au XIXe siècle. Avec d'autres, elle a ouvert la voie aux femmes en médecine en France.

La législation est l’un des principaux facteurs qui ont permis aux femmes de trouver leur place dans l’enseignement supérieur. En 1880, Camille Sée, ministre de l'Instruction publique, crée l'enseignement secondaire des filles avec la loi Sée. Un an plus tard, en 1881, la loi de Jules Ferry est votée. Cette loi était importante car elle rendait les écoles primaires gratuites pour tous (Mayeur 1-23). Cette loi, combinée à la loi Sée, a permis à davantage de filles d'entrer dans le système éducatif et a jeté les bases pour que les filles poursuivent leurs études en tant que femmes dans l'enseignement supérieur. Bien que ces lois aient joué un rôle très important dans le lancement de la transformation de l'éducation des femmes, à l’époque, de nombreuses inégalités étaient présentes dans le système. L'enseignement secondaire créé par Sée ne prépare pas correctement les filles à passer le baccalauréat requis pour fréquenter l'enseignement supérieur, mais cet enseignement est dispensé dans les écoles de garçons. En outre, l’éducation n’était pas accessible aux femmes car le nombre d’écoles et leur répartition n’étaient pas égales dans tout le pays (Prost 153-155).

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Mlle Schultze soutenant sa thèse à la Faculté de médecine

Ce dessin en noir et blanc est l'œuvre de Paul Destez, un affichiste, illustrateur et graveur français. L'image représente une jeune femme assise à une table en face de quatre hommes.  Il y a d'autres observateurs dans la pièce avec la femme, mais ils sont principalement des hommes avec seulement deux autres femmes. Cette image montre à quel point les femmes étaient manifestement considérées comme déplacées en médecine, car Schultze est la seule femme assise à la table. Typique des stéréotypes courants sur les femmes, les femmes n'étaient pas jugées aptes à être médecins en raison de leurs traits physiques et de leur responsabilité première de prendre soin de leur famille. Dans cette scène, Destez capture l'image de la jeune Caroline Schultze à tout juste 22 ans soutenant sa thèse à la Faculté de médecine de l'Université de Paris où elle devient médecin en 1888. 

Caroline Schultze, comme les femmes avant elle, a eu de nombreux obstacles dans son cheminement pour devenir médecin. À l'époque, il n'existait « aucun texte juridique s'opposant à l'admission des femmes à la Faculté de médecine de Paris » (Lipinska 175). C'était juste quelque chose qui n'avait jamais été fait en France, il y avait donc de l'hésitation. Beaucoup doutaient que les femmes puissent être des médecins compétents comme leurs homologues masculins en raison des stéréotypes de genre de l'époque.

La formation requise pour devenir médecin était longue et exigeante - une autre raison pour laquelle les femmes étaient considérées comme inaptes à le faire. Pour devenir médecin, il fallait fréquenter l'école de médecine pendant quatre ans pour étudier l'anatomie, la physiologie, la pathologie, la nosologie, la matière médicale, la chimie, la pharmacie, l'hygiène, la médecine légale et la médecine clinique (Ramsey 78). Une fois cela terminé, un étudiant devait passer ses examens de sortie et défendre une thèse pour devenir médecin. Dans l'image, Schultze est vu face à ces stéréotypes. Elle défend sa thèse sur « La femme médecin au XIXe siècle » et prouve que les femmes ont une place en médecine. Sa persévérance, et bien d'autres encore, a permis aux femmes après elle d'avoir l'opportunité de trouver leur place et leur voix dans l'enseignement supérieur.

 

Lipinska, Mélanie. Les femmes et le progrès des sciences médicales. Paris : Masson, 1930.

Mayeur, Françoise. L’enseignement secondaire des jeunes filles sous  la troisième République. Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1977.

Prost, Antoine. « Inférieur ou novateur? L’enseignement secondaire des jeunes filles (1880-1887). » Histoire De L’éducation, no. 115/116, 2007, pp. 149-169.

Ramsey, Matthew. Professional and Popular Medicine in France, 1770-1830: The Social World of Medical Practice. Cambridge University Press, 2002.

La promotion de la femme dans l'enseignement supérieur en France au XIXe siècle