Le Paris moderne d'Haussmann

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Plan publié par Eugène Andriveau-Goujon indiquant les travaux de rénovation de Paris ordonnés par Napoléon III et exécutés par le Baron Georges-Eugène Haussmann de 1851 à 1868.

    Nommé préfet de la Seine par Napoléon III sous le second Empire, Georges-Eugène Haussmann a transformé Paris de 1850 à 1873. La ville porte en elle aujourd’hui encore les marques de ces changements immobiliers, géographiques, culturels et économiques de cette fin du dix-neuvième siècle.

Les travaux haussmanniens, comme la carte d'Eugène Andriveau-Goujon l’indique, s’articulaient autour de trois principaux chantiers. La réhabilitation du centre de la ville, le déplacement des activités industrielles et marchandes vers l’Ouest, et enfin l’ouverture de la ville sur des communes en dehors de l’enceinte de Thiers représentent les trois idées directrices des travaux menés entre 1850 et 1870. 

Haussmann se concentre tout d’abord sur la modernisation autour de l'Île Saint-Louis et plus au nord dans le quartier du Marais. La percée nord-sud avec les boulevards Sébastopol et boulevard Saint Michel et leur prolongation plus au nord avec les boulevards Magenta et Ornano ouvre ainsi deux grands axes qui vont assainir l’espace urbain de cette partie ancienne de Paris. Le deuxième grand chantier auquel Haussmann s'attèle est le déplacement du centre de Paris vers l’Ouest. Pour cela il conçoit notamment les branches de la Place de L'Étoile avec l’avenue de Friedland et l’avenue de l'Impératrice. Il conçoit également la construction du boulevard des Batignolles et du boulevard Malesherbes qui offrent un passage rapide vers le dix-septième arrondissement et le bois de Boulogne. Enfin, un dernier grand chantier est celui des boulevards extérieurs offrant une ouverture vers des arrondissements jusque-là difficilement accessibles. Ces nouveaux axes permettent un accès direct aux gares mais aussi aux espaces verts. De cette façon, l’avenue Daumesnil à l'est de Paris donne un accès au bois de Vincennes et la rue de Puebla dans le vingtième arrondissement dessert le quartier de classe moyenne de Ménilmontant. 

Haussmann "had little affection for old Paris" (Jordan 99) et il décrit dans ses mémoires son "disgust at open sewers'' (Jordan 99) dont l’eau sale était porteuse de nombreuses maladies. C’est ce besoin de renouvèlement ressenti par Haussmann qui est le moteur des percées dans le vieux Paris et qui a donné naissance à la ville moderne que nous connaissons avec des avenues rectilignes ponctuées d’arbres et de lampadaires. Mais aussi visibles qu’elles soient sur une carte, les tracées d’Haussmann ont aussi créé une délimitation géographique inattendue entre les classes sociales comme l’historien d’art T. J Clark l’explique dans son œuvre The Painting of Modern Life. Les travaux ont, selon certains observateurs, donné à la ville l’apparence d'une "image put in place of a city which had lost its own means of representations" (60).

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Photographie du percement de l'avenue de l'Opéra et de la rue Saint Roch prise par Charles Marville en 1862.

     Chargé par la ville de Paris d’immortaliser les rues de la capitale française sur le point d'être entièrement redessinées par le baron Georges-Eugène Haussmann, Charles Marville, auteur de L’Album du vieux Paris, est le témoin privilégié de ce changement urbain historique de la fin du XIXème siècle (Guillot).

Le chantier photographié ici de la Butte du Moulin à l'intersection de l'avenue de l'Opéra et de la rue Saint Roch montre l'ampleur des travaux effectués sous la supervision du préfet Haussmann. La perspective de la photo prise par Marville montre en arrière-plan les immeubles encore debout de l’ancien Paris semblent petits face à la gigantesque percée creusée par les hommes et les chevaux. Cette photographie prise en 1862 par Marville révèle la complète destruction de certains tronçons de la ville pour donner vie à la vision haussmannienne d’un Paris "géométrique et rationnel" (Jordan 99). Mais au-delà de la modernisation du plan de Paris, c’est tout une culture et un mode de vie qui s’est ainsi imposée aux Parisiens. Même si la modernisation de la ville Lumière a notamment apporté le tout à l'égout et éradiqué les mauvaises odeurs des eaux stagnantes des rues du Paris médiéval, la rénovation de Paris par Haussmann laissent les parisiens avec l’impression que "they had lost Paris and were living in someone else’s city" (Clark 42) comme le montre la photographie de Marville avec ce paysage défiguré par les travaux.

Malgré les opinions divergentes sur la nécessité des travaux d’Haussmann, ces derniers ont ouvert l’espace public et l'ont rendu propice à la flânerie, une pratique privilégiée des artistes masculins qui s’imprègnent alors de cette modernité bourgeonnante. Un nouveau style de vie et avec lui une nouvelle économie capitaliste s’imposent (Clark 7). La rénovation des rues de Paris apparaît alors comme un "embellissement stratégique" (Benjamin 171). La motivation politique initiale de Napoléon III, qui était de rendre difficile le siège de Paris par des barricades, va avoir des répercussions inattendues telles que celle de faciliter le transport des personnes et des marchandises. La révolution industrielle apporte à la vision d’Haussmann la touche finale à l'accessibilité et de la production de masse de biens de consommation nécessaires au fleurissement des grands magasins. 

Bibliographie

Benjamin, Walter. “Paris: Capital of the Nineteenth Century.” Perspecta, vol. 12, 1969, pp. 163–172.

Clark, Timothy J. The Painting of Modern Life: Paris in the Art of Manet and His Followers. Princeton Univ. Press, 2008. 

Guillot, Claire. “Un Scoop Du XIXe Siècle : Le Photographe Marville s’appelait Bossu.” Le Monde, 11 Dec. 2010. 

Jordan, David P. “The City: Baron Haussmann and Modern Paris.” The American Scholar, vol. 61, no. 1, 1992, pp. 99–106.